Le 12 Juillet 2018, Par Jérôme Coirier
Comment le marché de la gestion d’actif adresse-t-il la visibilité nécessaire au client final ? Comment est organisé le gérant ? quels moyens se donne-t-il ?
Cette profession concentre ses efforts sur une offre produits, plutôt surabondante, beaucoup moins sur la connaissance client, encore moins sur sa marque. Pourtant le gérant doit répondre – et c’est de plus en plus évident sous la pression de la réglementation – sur son process, sa maîtrise des risques, bref qui il est. Le client n’achète pas qu’un produit il achète aussi une marque.
L’offre pléthorique conduit les clients actuels plutôt professionnels et/ou distributeurs à être de plus en plus exigeants et se protéger dans la sélection de l’offre et des produits proposés. Le produit ne suffit plus, il faut la taille, « la renommée » pour pouvoir passer les filtres et les barrages.
Coté client particulier, quand on mesure la connaissance financière on s’aperçoit rapidement que le niveau est faible. Les personnes ne connaissent pas trop le fonctionnement de l’entreprise, sa contribution. Tout ceci reste du domaine du mystère et entraîne trop souvent des comportements excessifs en bourse ou pire, comme très récemment sur les crypto-monnaies.
Les sociétés de gestion fonctionnent principalement dans un environnement intermédié par des banques, par des conseillers de gestion de patrimoine. Donc peu de personnes connaissent ou savent ce qu’est une société de gestion d’actifs. L’émergence de nouveaux acteurs, fintech qui s’attaquent à ce segment de marché en s’adressant directement au client final, vient bousculer la gestion d’actif.
Nous pensons que ce sera le sujet de demain pour les sociétés de gestion, au même titre qu’il l’est déjà dans de nombreux secteurs de la distribution face à des géants comme Amazon, bras armé du client « omnipotent ».
Ce marché B to B pour la société de gestion s’oriente donc vers du B to B to C au même titre que de nombreuses industries, embarquant avec lui une transparence de plus en plus forte sur son organisation et ses prix. S’il n’est pas encore trop d’actualité que le gestionnaire d’actif distribue directement en B to C, le client est de plus en plus au fait de la marque, sa notoriété qui fait de lui le prescripteur.
Nous ne croyons pas qu’à court terme le client final décidera les formats de la typologie des produits financiers, mais la tendance est lourde et nous pensons que la connaissance client est une absolue nécessité pour la survie de la société de gestion.
Nous ne pensons pas non plus que les fintechs peuvent attaquer spontanément et directement le marché des particuliers (cf. précédent article « fintech versus société de gestion »).
S’il s’agit de conduire une plus jeune génération vers une connaissance minimum pour pouvoir capter celle-ci, et lui proposer des produits financiers, cela ne se fera pas rapidement : Il faudra quelques années pour y parvenir. Les récentes fintech qui se sont lancées en B to C revoient leur modèle en B to B to C dans un premier temps.
Mais combien de temps ? Les marges dégringolent et les coups de fonctionnement s’additionnent.
Nous pensons que les sociétés de gestion principalement tournées vers la gestion privée doivent s’intéresser aux fintech par l’apport des technologies, les idées qu’elles drainent et parce qu’elles sont plus proches des besoins des jeunes générations. Cet échange doit être analysé comme un apport en industrie, il est bénéfique pour les acteurs existants qui doivent se préparer à une révolution dans le domaine.
Pour les autres sociétés de gestion tournées essentiellement autour du produit la tâche sera ardue. Si elles ne veulent pas subir un déséquilibre de marge comme dans le secteur alimentaire (cf producteur/distributeur), elles devront se battre sur l’intermédiation actuelle et la connaissance client. Elles devront inventer ou réinventer des services à valeur ajoutée pour maintenir un aspect différenciant et des marges suffisantes pour survivre.