Le 27 avril 2017, par Grégory Toulza
Depuis une décennie, le secteur de la gestion d’actifs en France et à l’étranger a dû faire face à une réglementation de plus en plus prégnante. Cette densité de textes répond à la volonté des législateurs de sécuriser et rassurer les investisseurs qualifiés ou non, sur des produits financiers comme les OPC (Organisme de Placements Collectifs) suite aux différentes crises de 2007 (Subprimes), 2008 (Lehmann) et 2011 (Grèce) qui ont ébranlés très sérieusement la sécurité des marchés.
La typologie des instruments, leurs valorisations, leurs modes d’échanges et de comptabilisation ont fait l’objet d’âpres discussions et de séances de « lobbying » intenses notamment au sein des instances Européennes. L’industrie toute entière a ainsi subi une avalanche de nouvelles règles, aux acronymes barbares (EMIR, FATCA, AIFM, PRIIPS, MIF II, SOLVENCY II …).
Les méthodes de valorisations utilisées peuvent être différentes entre sociétés de gestion et entre les Etats membres : il faut avoir à l’esprit qu’elles coexistent, ce qui ne facilitent pas la mise en œuvre d’une harmonisation.
La communication souhaitée et imposée par la réglementation aux professionnels de la gestion d’actifs, ceci afin d’apporter plus de transparence aux investisseurs, doit être adaptée à la clientèle visée. Pour ce faire, cela nécessite au préalable une connaissance fine de celle-ci, ce qui n’est pas toujours le cas.
Or, les systèmes de règlements intermédiés actuels sont challengés par les nouvelles technologies, comme la Blockchain, qui ouvrent des opportunités pour les sociétés de gestion aussi bien en termes de réappropriation de la connaissance client mais également de désintermédiation des opérations financières entre acteurs, réduisant ainsi le nombre d’intermédiaires et le risque opérationnel associé.
L’application de la technologie Blockchain à la gestion d’actifs vise à fluidifier les opérations d’achat-vente de titres. Elle permet à l’ensemble des intervenants sur la chaîne de traitement de connaître les différentes contreparties. Ainsi, l’identification du donneur d’ordre est présente dès le début et est conservée jusqu’à la fin de l’exécution de l’opération. La société de gestion, souvent en bout de chaine pourrait ainsi, compte tenu de l’information mise à sa disposition, identifier plus facilement et rapidement son client.
A l’heure actuelle, à la vue du circuit de passage d’ordres existant et utilisé par les intermédiaires financiers, conseillers en gestion de patrimoine ou autres, ceci se révèle être un casse-tête voire une mission impossible. La réappropriation de cette connaissance est primordiale pour la société de gestion car celle-ci doit pouvoir être en mesure de quantifier et qualifier sa base client afin de faire face aux demandes des autorités et / ou d’un client. Il serait dommage d’être sollicité par un client, et ne pas connaître ses positions dans ses fonds… d’où l’intérêt d’un marquage plus fin de l’ordre et l’apport de la technologie Blockchain sur ce segment. A noter également, que se pose la question du suivi et de la gestion du process de KYC (Know Your Customer) actuellement assuré par les intermédiaires financiers, afin de mesurer l’adéquation du produit souscrit au profil du client.
Au-delà de la réappropriation par les sociétés de gestion de la connaissance client, la technologie Block Chain a également des impacts sur le marché des transactions de produits financiers, et notamment sur tout le post trade, à savoir le règlement des opérations.
A l’heure actuelle, le cycle de règlement se fait sur quelques jours. Il est réglementé en fonction de la typologie du sous-jacent et se fait soit dans un système de règlement-livraison, soit auprès d’un compensateur. Avec la Block Chain, le circuit opérationnel pourrait se retrouver raccourci et le nombre d’intermédiaires réduit, ce qui devrait logiquement entraîner une baisse des coûts. Nombre de questions sont encore en cours d’analyse à ce jour : éligibilité des sous-jacents à ce mode de règlement, le périmètre de titres concernés, information de l’ensemble des acteurs (émetteurs, détenteurs, organismes financiers, etc…). Quid aussi de la tenue de la position sur un compte titres. Comment doit-on matérialiser les encours détenus… sur un registre au nominatif pur (géré par l’émetteur du titre) ou administré (géré par un établissement centralisateur), sur un système intégré à la blockchain ?
Si la mise en application de la technologie Blockchain au secteur des marchés financiers n’en est encore qu’à ses débuts et qu’elle pourrait se restreindre dans un premier temps à un certain type d’actifs (Souscriptions/Rachats d’OPC par exemple) avant de s’étendre à d’autres classes d’actifs, il n’en demeure pas moins que les choses avancent et que les sociétés de gestion doivent veiller à cette technologie qui pourrait devenir incontournable dans le futur.