Le 14 Mars 2018, Par Jérôme Coirier

 

Pourquoi la société de gestion accepte-elle d’abandonner autant de marge pour zéro connaissance client ? Comment en est-on arrivé là ?

Si l’on analyse le passé, on se rend compte que les sociétés de gestion se sont désintéressées voire ont progressivement délaissé la connaissance d’une partie de leurs clients finaux. En effet, les marges confortables de cette profession ont contribué à privilégier l’externalisation de certaines fonctions considérées comme « périphériques », moins importantes que la sacro-sainte fonction de Gestion. L’essentiel est de générer de la performance et non pas de savoir qui achète et pourquoi. Ces fonctions périphériques sont aujourd’hui principalement maintenues par des acteurs importants et souvent sous dominante ou influence bancaire.

Il y a souvent confusion entre l’aspect réglementaire et l’historique de cette profession sur les acteurs bancaires. Encore très récemment une société de gestion nous affirmait que la gestion du passif est une fonction du dépositaire. C’est oublier ce qu’est une société de gestion et sa fonction d’émetteur de titres et surtout se désintéresser du fonctionnement de celle-ci. La blockchain ne fait que mettre en relief l’industrialisation possible de ce qui a toujours existé dans la gestion du registre de l’émetteur (cela doit rappeler de bons souvenirs à celle et ceux qui ont connu le nominatif pur ou nominatif administré). C’est comme si certaines sociétés de gestion redécouvraient des fonctions de leur métier.

On entend souvent dire que les conseillers en gestion de patrimoine occupent une place trop importante dans la chaîne de distribution des fonds vers une clientèle de particuliers pour peu de valeur ajoutée. Nous ne sommes pas d’accord avec ce point de vue, les conseillers en gestion de patrimoine occupent la place laissée libre par des sociétés gestion qui ne travaillent pas l’information et connaissent pas ou très peu leurs clients finaux.

Ce qui est tout à fait remarquable et particulier à cette industrie c’est que la société de gestion est d’accord pour abandonner jusqu’à 50 % de sa marge dans un réseau de distribution qui ne fournit aucune information quant à la catégorie socioprofessionnelle ou caractéristique de son client. Par analogie, quand je vais chez Darty et que j’achète une machine de marque Siemens ou autre, le fournisseur me connaît ; en gestion d’actif : non. Alors la faute à qui ? Au méchant conseiller en gestion de patrimoine ou à la société de gestion qui ne prend pas la peine de récupérer un minimum d’informations ? Nous penchons pour la deuxième alternative pour ce que nous avons expliqué ci-dessus : le désintérêt de la chaîne de valeur que constitue l’information client.

Ah, ce ne pas vrai ! va-t-on nous dire… Soyons honnête, ce n’est plus vrai car les sociétés de gestion en prennent conscience. C’est une prise de conscience récente, un peu spontanée, appuyée par une tendance lourde des fintechs qui « déboulent » dans ce métier. Nous pensons que les sociétés de gestion à dominante collective (celles en gestion privée sont plus protégées) ont un effort important à faire pour inverser ce qui se projette.

Le challenge repose pour les sociétés de gestion sur leur capacité à travailler ensemble pour fournir et mettre à disposition la chaîne d’Information à valeur ajoutée vers ses commerciaux, conseillers en gestion de patrimoine afin qu’ils puissent travailler et que l’information puisse remonter vers les sociétés de gestion. Là est l’un des intérêts majeur de la blockchain, pour cette profession, qui peut contribuer à l’industrialisation de l’outil permettant à cette communauté d’acteurs de construire un entrepôt suffisamment grand et suffisamment large pour intéresser leurs conseils et donc le client final.

Ce n’est donc pas une guerre entre la société de gestion et le conseiller en gestion de patrimoine mais plutôt une bienveillance intelligente :  le premier ayant besoin d’outils pour fonctionner, de connaissances produits, le second ayant besoin de répondre de plus en plus finement sur des produits qui correspondent aux attentes des clients. Ne nous y trompons pas, c’est s’affranchir à terme d’un acteur qu’on désigne peu mais omniprésent qui est la banque.